LUNDI 18 MARS

Une fenêtre météo s’ouvre à nous.

Il faut saisir cette chance, la traversée dure quatre jours.

Il faut savoir être opportuniste dans ce monde où tout change très vite !

Et nous ne voulons pas hiverner dans les glaces ou du moins pas cette fois ci. Ce genre de projet ce prépare à l’avance ……

Nous profitons de faire une dernière plongée à un endroit que nous connaissons bien !

2P8A5815 - copie  glace

Nous tentons de découvrir un cimetière de baleine en vain.

Ce n’est pas grave ……

En remontant sur le bateau, je perds une palme….

L’équipe solidaire m’aide à la retrouver sous 12m d’eau et la stupéfaction générale … Le cimetière tant espéré était là sous nos pieds !!

Ce signe du destin nous fera revenir pour des explorations futures !!!!

Il faut maintenant s’armer de patience, notre Capitaine Jean Yves nous réconforte très vite en nous promettant une arrivée au pied du Horn !!

Passage mythique de mes ancêtres qui mettaient parfois jusqu’a 1 mois pour le franchir à la voile !

Pour rendre hommage à ces marins courageux qui ne faisaient que leur métier et pour honorer l’expédition 2010 et nos amis chers Olivier et Christian, nous nous immergeons dans les sombres profondeurs du Horn…..

Pardonnez-moi pour ce récit et pour avoir fait aussi court !

Les mots de notre langage ne sont pas à la hauteur de ce que nous avons pu voir, des émotions que nous avons pu vivre durant cette expédition engagée !

Merci tout d’abord à toute l’équipe et merci à toutes les personnes qui ont cru en nous et à ce projet …

horn[1]

Laurent

LUNDI 11 MARS

Ce matin nous partons de Cuverville !
Toute la nuit, nous avons entendu le bruit des icebergs qui glissent le long de la coque. Ce son nous berce jusqu’à nos rêves.

A peine levés, nous entendons le souffle des baleines et nous les voyons passer au loin. Nous appareillons pour voguer jusqu’à Enterprise où a échoué en 1916 cet ancien baleinier, après un violent incendie.
Le vent est nul et le soleil réchauffe nos cœurs.
iceberg 2
Je suis en super forme, j’ai envie de me hisser en haut du mat pour prendre de la hauteur et voir d’un peu plus haut tous ces icebergs dériver au grès du courant.
Assis sur un harnais, comme sur une chaise, une partie de l’équipe me monte au winch à 20 m au dessus du niveau de la mer !
Le spectacle est merveilleux, sur un gros glaçon, un phoque léopard se repose. D’après ses excréments, celle ci n’a pas mangé que du krill, facilement reconnaissable avec cette couleur orangée. Elle a certainement dévoré un manchot ce matin, car une grosse quantité de plumes demeure à côté d’elle.
Proche de cet iceberg tout blanc, l’eau est turquoise, puis bleu, et tout autour j’admire les montagnes enneigées.
Du haut de ma vigie, j’aperçois au loin 3 baleines. L’une de 13m de long, d’environ 20 tonnes, les deux autres sont un peu plus petites. J’ai l’impression qu’elles dorment dans le brach.

Jean-Yves ralentit son bateau pour procéder à une approche discrète.
Pendant ce temps Franck, Gilles, Alex et Pierre s’équipent tranquillement et Fred assure les photos du pont du bateau.
Nos amis glissent doucement dans l’eau gelée ….les baleines ont ressenti quelque chose et décident elles aussi de venir à leur rencontre….
Un balai magique s’opère, les baleines nous font un festival d’immersions, elles tournent sur elles même, réalisent des pirouettes pour ne pas toucher les plongeurs. C’est comme si elles se prenaient pour des danseuses étoiles en réalisant un spectacle complètement improvisé. (Même si parfois, elles nous effleurent à peine)
Elles aiment sortir la tête de l’eau pour nous regarder et nous inviter dans leur monde, celui des abysses.
Les apnéistes jubilent et moi la haut je suis euphorique avec mon appareil photo qui immortalise cette rencontre qui durera plus d’une heure ! (A cette occasion ,j’ai fait plus de 200 photos et je pense en avoir de très belles!)
Elles ont sûrement mieux à faire et doivent stocker des réserves pour leur longue migration vers le sud de l’Amérique.
Une fois descendu, Jean-Yves et moi même, nous immergeons pour profiter aussi du spectacle qui ne durera que 10 minutes. Elles nous quittent pour se délecter de krill si petit, pour cet être si grand.

Je reste quand même en combinaison pour tenter ma chance un peu plus loin.
Quand soudain, apparaissent tout prés d’ici 2 baleines, une mère et son petit.
L’approche est toujours délicate car la maman défend toujours son petit des éventuels dangers.
Malgré cela, je m’immerge, le petit se dirige vers moi mais la mère le repousse pour le protéger.
Quand tout à coup Gilles et Fred aperçoivent au loin un grand aileron qui se dirige droit sur nous ….
C’est un orque, surpris nous attendions tous ce moment depuis plusieurs jours !
C’était là maintenant!
Gilles me dit de me rapprocher du bateau pour plus de sécurité…
Ce cétacé fonce droit sur moi une première fois en réalisant un virage à 180 degrés. J’ai cru voir un avion de chasse rapide opérer une manœuvre de repérage !
Je reste dans l’eau ébahie par cette scène spectaculaire!
Puis il revient, cette fois, il s’arrête face à moi. Nous nous regardons intensément. L’orque me scanne, m’étudie certainement avec ses cliquetis. Pour connaître ma constitution, savoir si je suis une proie potentielle…..
Je n’ai pas peur, je suis juste surpris par la beauté de l’un dès plus grand prédateur du monde marin.
orque-antarctique
Nous les suivons en bateau quelques milles.
Ils reviendront nous voir brièvement avec Alex, avant de disparaitre ! Quelle chance……
Laurent

DIMANCHE 10 MARS

Encore couchés, nous entendons le glacier gronder et chuter dans l’eau, amenant quelques vaguelettes au bateau. Chacun se lève et ne traîne pas au petit déjeuner. Le dernier bain et les préparatifs du départ vont occuper toute la journée.
mouillage de Melchior - copie
Nous partons chercher le cimetière des baleines de Melchior, sachant que cette baie était un mouillage baleinier. On s’immerge près des chaînes, câbles abandonnés… Rien. Pour la dernière, nous faisons des séances photos souvenirs sur un petit iceberg et reprenons la route du bord. En montant à bord Laurent perd une palme…Nous allons la chercher. Dès les premières immersions, à défaut de palme, nous trouvons les disques et vertèbres de baleines, des traces de mouillage !!!! Plus loin Gilles repère une tête de baleine bleue… Le cimetière était sous nos palmes… Une raison supplémentaire de revenir. La palme retrouvée nous remontons à bord. Alex apparait en maillot pour un plongeon…Si un parisien le fait, deux bretons le font !!! L’égo…Loin du plongeon d’Alex nous faisons une immersion complète, trempette de 2′, qui valide notre bain Antarctique en maillot…ou sans.

Fin de l’amusement et rangement du matériel. Le départ est imminent, le pont dégagé de tout ce qui habitait notre champ de vision journalier : combinaison en pendant, linge à sécher, annexe supplémentaire sur le pont et une demie douzaine de paires de palmes à traîner.

Les baleines nous accompagnent à la sortie de la péninsule. Nous laissons les shetlands du Sud sur tribord, et avançons sur petite houle. Le soleil se couche et nous montre son disque vert. L’Antarctique se pare d’orange… Pendant le repas, le quart de nuit s’organise. 1h30 chacun à veiller les icebergs. La nuit est là, la voute céleste sans nuage éclaire la Mer. Un coup d’œil en surface, le reste dans les étoiles : les nuages de Magellan, Orion, la Croix du Sud…Quelques étoiles filantes, quelques vœux…

Franck

SAMEDI 9 MARS

Journée de transit d’Enterprise à Melchior. Immersion avec les baleines sous un soleil éblouissant. La visi’ sous marine est réduite, le spectacle est en surface. Paysages et animaux se mêlent pour un feu d’artifice naturel aux crépitements des appareils photos.

Retour à Melchior pour notre dernière soirée…

Franck

VENDREDI 8 MARS

Réveil sous la neige tombante. Pendant que tout le monde s’équipe, après le petit déjeuner, pour se mettre à l’eau, je prépare l’annexe pour aller faire  une collecte de plancton, d’eau, et une ballade sur les traces vestiges baleiniers qui jalonnent les rives.
baleineJe me préserve pour ce soir car j’aimerais me mettre à l’eau de nuit… Le voyage touche à sa fin et la fatigue du froid se fait ressentir, me restreignant à une sortie journalière. Seul Laurent est de toutes les mises à l’eau…

Cette longue ballade au fil de l’eau, au fil du temps, me projette au temps des baleiniers, quand la baie était emplie de bateaux, les rives de vie et de mort… Le temps des baleiniers… Un temps où le bleu de la Mer était rouge, où l’homme mitraillait plus au harpon, qu’il ne le fait au téléobjectif de nos jours… Et pourtant, malgré ces faits de nos aînés qui pourraient nous paraître peu glorieux aujourd’hui, j’ai de l’admiration pour le courage de ces hommes qui venaient ici, sans grib météo, sans gore tex et autre confort, inimaginable aujourd’hui… Nous sommes d’accord pour dire que c’étaient de vrais carnages, des boucheries sans nom, et que l’homme était indigne de ces terres et Mers originelles…

Et aujourd’hui? Que faisons-nous? Pas pire que nos ancêtres, qui sous couvert, comme nous, du sacro saint « il faut bien manger !! » pillons notre Mer, nos terres, sans inquiétude pour demain…Nous sommes les baleiniers sanguinaires qui saignons notre Mer, la laissons exsangue et vide à nos enfants. A défaut de solution, j’aimerais montrer à ces enfants ce qu’il reste de beau, qu’il y a des endroits où l’on peut voir des animaux qui n’ont pas peur de l’homme, qu’il y a des endroits où l’homme s’est pris en main pour les protéger… Peut être qu’ils arriveront à inverser la tendance. Ici nous rêvons le jour et dormons la nuit, au retour je me réveillerai…

Un coup d’œil sur le bateau, je vois les apnéistes rentrés à bord. Je les rejoins. L’épave est belle. L’hélice encore sur la ligne d’arbre colonisée par les gorgones locales. Les ossements de baleines jonchent le fond à proximité. Nous repartons tous ensemble pour une ballade sur terre. Dans la passie de montagnards nous découvrons un igloo creusé dans le glacier. Au sommet le panorama est…exceptionnel encore une fois. Après le repas de 15h, je repars avec Alex pour un autre plateau…Même résultat…
La nuit tombe, le matériel est prêt. Fin de repas, Laurent et moi nous mettons à l’eau. J’aime cette sensation de l’immersion de nuit, qui est la même à Portsall, Saint Malo où ici, même si ici, elle a une saveur particulière, le goût frais de l’Antarctique. Le Halo de nos phares éclaire les macro organismes qui viennent à nous.

À la descente sur l’épave nous rencontrons les gobies locaux posés sur les tôles effondrées. Laurent entre dans les cales du baleinier. Je le suis au travers des membrures du pont. Nous continuons nos immersions vers l’arrière. La profondeur augmente, mais le temps reste le même. L’échauffement est passé, nous sommes à l’aise et le spectacle splendide nous maintien au fond jusqu’aux spasmes. Minuit nous rentrons.

Franck

JEUDI 7 MARS

2h 30 du matin. Le bateau me berce doucement par le travers. Puis plus rien, le calme. La renverse de courant, le vent tombe. Le courant se lève. Un coup sur la coque, puis deux…des frottements…le pack vient vers nous. Quelques impacts plus forts. Je monte sur le pont, pas inquiet. Jean-Yves reste couché. Le courant de 2 nœuds environ fait passer la glace le long du bord. Ciel étoilé, Orion et la Croix du Sud brillent dans une Mer sans ride où se reflètent les montagnes. Les Glaciers grondent. Spectacle fascinant.
8h00 réveil. Un tour sur le pont. Un rorqual de Minke en ballade. Il doit manger, les sternes piquent dans ses alentours. On sort du mouillage. 3 baleines dorment, une mère, un petit et un ado. 2h avec elles, Laurent en tête de mat, Fred sur le pont, immortalisent les scènes inoubliables…
Prochaine chronique…un orque !

Franck

MERCREDI 6 MARS

Départ aux aurores de la Baie Paradise pour la baie de Cuverville. A peine sortis, Laurent se met à l’eau pour un prélèvement de plancton, secondé par Pierre. Le filet plein, nous repartons. Le transit est l’occasion de se mettre à l’eau avec les baleines à bosses, phoque léopard et enfin, miracle du voyage, sous des sternes Antarctique, des papous qui maroquinent et se laissent filmer. Nous passons la journée en combinaison, sous un soleil radieux, mangeant en terrasse.
A l’entrée de Cuverville nous talonnons, sans gravité pour le voilier, sur une sonde non indiquée, d’une zone mal pavée. Deux blessés légers à bord…
Alex et Laurent se remettent à l’eau pour une ballade. Fred, Pierre et moi allons à la manchotière de papous… Soirée paisible, sous la protection de la croix du Sud.

MANCHOTS

Franck

MARDI 5 MARS

Il pleut depuis 24h ….
L’eau est en moyenne entre -2 degrés et 0°  .
Les plongées répétées nous marquent le visage.

Ce matin, nous sommes allés chercher de l’eau douce puis nous avons découvert une manchotière peuplée de jeunes individus perdant leur pelage de juvénile. En face, sur les icebergs attendent patiemment les phoques léopards pour les dévorer.

Nous décidons l’après-midi de nous immerger à cet endroit même. Le terrain est propice aux attaques de léopards, cela peut être l’occasion d’assister à des scènes exceptionnelles.
Du voilier, nous enfilons nos combinaisons avec une marmite d’eau chaude et nous voguons à bord de notre embarcation à moteur vers une rencontre surréaliste…
Franck est le premier à se mettre à l’eau. Il veut faire des images de manchot entrain de marsouiner, car nous n’en avons pas pour le moment.

Devant nous, des icebergs, des châteaux blancs se dressent. Ils ont la forme de notre imagination, tantôt des trimarans de courses, tantôt des habitations futuristes …
Sur la droite une montagne de plus de 2000m de haut cohabite avec des glaciers qui viennent mourir en mer.
Une falaise noire, juste à côté crie haut et fort toute sa verticalité, plongeant à je ne sais quelle profondeur dans les abysses de l’antarctique.
De temps à autre un craquement, un grondement retentit ! Ce bruit terrible se diffuse dans mon corps et mon esprit, j’ai l’impression de capter l’intensité, la force de cet environnement brut, énergisant.

Gilles et Alex se mettent à l’eau dans cette baignoire gelée. Ils ont repéré un phoque léopard qui lézarde au soleil! Plutôt sur la glace avec ce vent qui te glace les os.
Je reste au bord avec Pierre. Nous discutons entourés de ces jeunes manchots. Je garde des séquelles, le froid et la fatigue, des deux plongées de la veille et fait quelques pompes pour me réchauffer. (Et puis faut garder la santé!!!)
Je me décide. Nous n’avons qu’une vie, l’eau me gèle le visage, le choc thermique est violent.

-2 degrés. C’est la première fois que je subis autant les effets du froid …
Tous, nous nous dirigeons vers l’iceberg qui est le refuge éphémère de ce phoque léopard.
Sur la parois de ce monument, du krill, entouré de petites bulles, élabore sa chorégraphie, sa danse sur la glace. Je me crois à Holiday on Ice, spectateur de cette crevette rose qui valse dans ce verre de curaçao pétillant….
Ce spectacle m’invite à continuer cette exploration, c’est à nous de faire les canards pour découvrir la fondation de cette arche de Noé, version l’âge de glace hypoxique.
Dessous s’élève justement une arche de plus de 5m de haut sous 15m de fond !

Franck, Gilles, Alex et moi avons trouvé notre nouvelle occupation en passant sous cette architecture spectaculaire. Ensuite Gilles et Alex s’assoient un moment sur l’iceberg et m’informent que la « lionne » vient de se jeter à l’eau.

 dauphin_antarctique

Nous décidons avec Alex d’établir le contact.
Franck et Gilles nous rejoignent très vite.
La communication s’établit sous différentes formes: tout d’abord l’observation. L’animal lit notre langage corporel pour savoir à qui elle a affaire. Voyant nos capacités d’immersion médiocres et notre vitesse de déplacement comparable à celle de l’escargot, cette femelle doit bien rigoler dans ses moustaches. Le regard est aussi très important: calme, tranquille, pacifique. Toutes ces impressions se retransmettent dans son attitude par des déplacements très lents et très calculés pour ne pas nous toucher et respecter une distance qui diminue au fur et à mesure des immersions.
Calé au fond sous l’arche, immobile, elle plane, vole, virevolte devant moi puis vient doucement à ma rencontre. Ses nageoires lui servent de pivot puis de frein et nous nous regardons de longues secondes……. Cette contemplation hors du temps, pacifique, bouleversante avec cet animal sauvage de plus de 2m50 de long et d’environ 250 kg, qui peut à n’importe quel moment décider d’une fin tragique en t’emmenant au fond ou en te déchirant avec ses dents acérées de 2cm, montre et prouve bien que le règne animal est parfaitement conscient des attentions que nous lui portons…

Laurent

MARDI 5 MARS

Nous appareillons de bon matin pour une navigation de 5 heures pour rejoindre Paradise Bay. Nous remontons vers le Nord. La visibilité surface n’est pas au rendez vous en embouquant le détroit de Lemaire. Le spectacle reste splendide. Le froid est là. La neige tombe sur la Mer et ne fond pas. Le pack se forme.

A l’ouvert de la baie des Flandres nous nous faisons un peu secouer. Nous prenons le chenal étroit entre l’île Bride et le continent avant d’entrer dans Paradise Bay.
Elle porte bien son nom. Une crique encaissée, surplombée de montagnes chargées de glaciers. Tout est net, dans les camaïeux de bleu clair, et de blanc. Sous la neige, nous nous préparons pour une mise à l’eau, sans objectif particulier. Une rencontre avec un léo, puis un crabier, et enfin des micro-organismes phosphorescents. Nous suivons des Minkes, en train de manger avant d’aller faire une immersion plus profonde le long d’une falaise de ferrite, aux reflets d’oxyde de cuivre. 200m de fond, personne ne l’atteint…Nous rentrons aux limites de l’hypothermie sévère pour certains. Laurent s’occupe de nos papilles en soirée par une partie de crêpes, saupoudrée de quelques musiques bretonnes remis au goût du jour par Nolwenn Leroy.

Franck