Dès leur retour, les apnéistes ont tenu à rendre visite aux élèves qui ont suivi leur aventure.
Leur rencontre avec les élèves de St Malo a fait l’objet d’un joli reportage sur TV Rennes.
A découvrir ci-dessous, 5min45
Petite brise, ciel dégagé, allez aujourd’hui on va à la « chasse » aux phoques !
Depuis notre annexe, nous contournons la manchotière de Hovegaard. De très nombreux growlers de toutes tailles ponctuent la surface et nous imposent de nous faufiler entre eux et trouver des couloirs libres pour avancer. Je demande :
– C’est quoi la tache sombre sur cette plaque à 10 heures ?
Une approche lente à la rame et Jérôme affirme :
– Un crabier !
Le mammifère ouvre un œil, puis le referme. Il n’a pas l’air de vouloir jouer avec nous.
– On va le laisser tranquille !
On continue notre petit tour. Bientôt, plusieurs formes se reposent sur des plaques très proches de la manchotière, complètement encerclées par le pack de glace qui recouvre toute la surface de l’eau. Nous avons du mal à nous frayer un chemin à la rame. En poussant sur les blocs et tous les morceaux qui petit à petit s’ouvrent, l’embarcation se faufile.
– C’est un léopard !
C’est le phoque qu’on espérait.
Très doucement nous nous immergeons dans cette surface de glaçons. Je découvre cette sensation inconnue et un peu pressante. Nous devons pousser les blocs avec nos mains pour avancer. Par une réaction en chaine, ils se referment aussitôt derrière nous. On se sent un peu emprisonné et tenaillé dans ce milieu.
– ça va les gars ?
– No prob !
On avance doucement. C’est une femelle. Elle n’est plus qu’à quelques mètres. Tranquillement, on s’avance vers elle pour lui parler.
– Allez, viens ma belle ! Viens nager avec nous.
La léoparde bronze paisiblement sur sa plateforme de glace et se dandine sans trop nous prêter attention. Nous restons à distance et multiplions les tentatives d’interactions, sans succès.
En l’espace de quelques minutes, l’ensemble des blocs portés par le petit courant et la petite brise se sont déplacés de manière totalement anarchique.
– Attention derrière toi ! Un bloc va te pousser !
Effectivement ça pousse. Heureusement, notre combinaison permet de repousser certaines arrêtes tranchantes des glaçons. On les contourne. On les repousse. Le pack c’est vivant !
Notre léoparde n’est décidément pas très réceptive et nous dédaigne de quelques bâillements en arborant son impressionnante dentition de prédateur carnassier.
– Allez, viens ! Viens faire ta belle qu’on te prenne en photo !
Rien à faire. C’est alors que Laurent propose :
– Les gars, on va passer sous sa plateforme et lui faire un petit coucou par dessous. Ok pour vous ?
– Carrément !
Laurent part le premier. Il descend en « phoque » sous le brash. Et oui, on ne peut pas faire de canard dans cet enchevêtrement de glaces ! Il effectue les quelques mètres qui nous séparent de la plateforme en apnée. Un peu plus tard, il réapparaît derrière la plateforme de la léoparde en nous disant :
– J’ai gratté le bloc, mais on ne la voit pas en transparence.
– Elle n’a pas bronché !
Olivier se lance à son tour. Il réapparaît une minute plus tard, à côté de Laurent, sans avoir plus de succès avec la léoparde !
A moi ! La tête en dehors de l’eau, concentration, inspiration calme, expiration et go ! Immersion en phoque, compensation, descente à 3 mètres, retournement.
Waouh ! Je ne vois plus le trou d’où je suis parti. Il s’est déjà refermé. No prob ! J’avance vers la plateforme de la léoparde. La voilà, plus grosse et plus épaisse que le pack. J’arrive à peu près à l’endroit supposé de sa position. Je m’arrête, collé à sa surface lisse inférieure. Je donne quelques bons coups de poings pour essayer de faire bouger la belle. No prob ! Je continue ma petite apnée en rampant à l’envers de la plateforme vers la sortie. No prob ! Ah !! Voilà c’est un peu plus clair par-là ! Ça doit être la fin de la plateforme. No prob ! Mais je sors où là ? Il y a des blocs partout. Tout est fermé. C’est qu’ils sont gros quand même !! Il n’y a pas de trou pour sortir là ! Petit instant de solitude. Réflexion. Les autres sont bien sortis eux alors pas de raison que moi je n’y arrive pas ! Je continue. Tiens des palmes ! Ils sont là ! Oui mais… le pack est bien fermé autour d’eux ! Je fais comment là ??? Pas le choix, il faut y aller ! Les bras tendus, je pousse les blocs pour me frayer une place dans cet enchevêtrement. Deux coups de palme et je sors la tête. Je suis encore tout ahuri de cette nouvelle expérience hors du commun ! No prob !!!
– Waouh ! Les gars, j’ai eu un petit moment de stress là dessous pour ressortir du pack !
– Ha ha ha ! On ne te l’avait pas dit mais on savait ce que ça faisait pour l’avoir déjà vécu en 2010 ! :o))
– Sympa de me prévenir les gars ! :o)) Merci pour la sensation en tout cas !
Notre léoparde n’a pas bougé d’un poil. On va devoir la laisser tranquille et tenter notre chance un peu plus loin.
– Attendez ! On la refait ! Je veux encore ressentir cet emprisonnement du brash, ce plafond au-dessus de moi !!!
Il faut revoir pas mal de nos références dans ce nouveau monde. C’est magique ! Et voilà, quelques apnées plus tard, cette nouvelle sensation est bien imprimée dans notre expérience d’apnéistes des glaces. No prob ! ;o)
Tangui
Petit lexique :
– le pack : c’est le début de la banquise plus ou moins épaisse. Le bateau ne peut avancer qu’en cassant cette couche avec son étrave.
– le brash : c’est une agglomération de morceaux de glace plus ou moins gros qui couvre toute la surface de l’eau. Le bateau doit les écarter pour avancer.
Hier nous avons rencontré un groupe de 3 baleines à bosses qui sont restées jouer autour des apnéistes pendant 3 heures !
Toute l’équipe a participé de près ou de loin à ce spectacle grandiose. Chacun s’exprime sur ce moment.
Olivier
Dame nature a voulu nous récompenser de notre passage respectueux en Antarctique, et de notre dernière plongée. Elle a mis sur notre chemin 3 baleines curieuses et extrêmement joueuses. Moment de grâce et d’euphorie pour tout le monde. Tantôt elles passent calmement en dessous de nous comme pour venir nous chercher et nous observer, tantôt elles font des cabrioles en surface nous montrant leurs pectorales et leurs queues hors de l’eau à grands coups d’éclaboussures. Ce ballet déjanté restera totalement inoubliable. Parfois je chante comme les baleines pour tenter de les attirer et d’autres fois je crie de joie. 3 heures passées dans l’eau – en oubliant tout le reste – pour profiter au maximum de ces instants magiques.
Joël
A peine sortis de la baie de Cuverville, des baleines se manifestent et viennent tourner autour du bateau. Les apnéistes décident alors de se mettre à l’eau. S’en suit un véritable festival entre eux et les baleines. Elles plongent invitant les apnéistes à les suivre ou bien sortent de l’eau et les attendent pour qu’ils puissent les rejoindre. Les apnéistes sont si près qu’ils sont frolés par les baleines. Elles s’éloignent puis reviennent vers eux. Vous n’allez pas me croire mais le ballet a duré plus de 3 heures ! Les apnéistes étaient aux anges et ne songeaient nullement à quitter l’eau glacée. Image fantastique, scène inoubliable entre les plongeurs et les baleines au milieu de cette nature féérique.
Tangui
Chantons avec les baleines.
Un moment magique ! Les baleines plongent à quelques mètres devant nous, nous invitant à les suivre. Elles nous entraînent dans des apnées de cabrioles synchronisées entre elles. Parfois elles se frottent le dos ensemble et nous offrent leurs ventres blanc en balançant leurs nageoires comme un signe de venir les rejoindre. Et comme un gage supplémentaire de leur plaisir partagé avec nous, elles nous chantent de puissantes vocalises magnifiques qui nous résonnent dans le corps. Nous nous prenons au jeu et avec Olivier entamons nous aussi des imitations du chant des baleines dans notre tuba ! D’un coup de caudale qui fend les eaux avec une puissance extraordinaire elles continuent un peu plus loin puis font demi tour pour revenir voir ces étranges animaux apprentis apnéistes palmés… Une autre fois, elles sortent leurs nageoires ou leurs caudales hors de l’eau dans des vrilles majestueuses et de grandes éclaboussures. En surface, elles modulent le son de leur souffle roque comme une tentative complémentaire de communiquer avec nous. A plusieurs reprises ces mégaptères impressionnants nous encerclent en sortant verticalement de l’eau, leurs rostres sortis et l’œil qui nous regarde. Soudain je prends conscience de l’extraordinaire privilège de pouvoir partager ces intenses moments inoubliables avec ces animaux et mes amis. Nous avons le sentiment d’être en symbiose. L’émotion est grande, très grande …
Jean Yves
Plongée avec les baleines – curieuses ces dames !
A chaque mise à l’eau des plongeurs elles tournent autour d’eux, les frôlent et les évitent d’une pectorale adroite, des marches arrières savantes pour centrer le nageur dans leur œil tout rond. Des positions verticales – rostres dehors – invitation à la descente. Des attentes sous la surface ventre en l’air et nageoires tendues vers le haut pour un « abrazo » austral. Pas de doute, elles nous captent et nous observent, nous gratifient d’un temps de connivence pris sur leur grand repas estival. Pas d’hésitation, pour les charmer il faut se mettre à l’eau !
Jacques
Tangui, Oliver et Laurent sont chaque matin super motivés pour aller à la rencontre de la faune sous marine omniprésente ici. Leur enthousiasme leur fait oublier l’épreuve qu’ils font subir à leur organisme dans cette eau à 0°. Une baleine en vue et dans le 1/4 heure ils sont tous les 3 en combinaison de plongée prêts à se mettre à l’eau. Go ! Et c’est l’interaction avec la baleine. Ils évoluent ensemble durant de longues minutes, ils se cherchent comme pour se sonder, puis enfin celles-ci se laissent approcher. Les apnées se succèdent et la joie de mes 3 compagnons fait plaisir à voir. Ils sont récompensés de leurs longs entraînements en piscine car oui ce qu’il font devant moi n’est pas donné au premier palmipède venu . Ce que la nature a bien voulu leur donner aujourd’hui c’est aussi à eux-mêmes qu’ils le doivent. Ce ne sera qu’au signal de la baleine que ce ballet prendra fin, en 2 ou 3 ondulations elle aura, hé oui ! fait 300 mètres pour s’éloigner. Là l’entrainement ne suffit plus ! C’est la nature qui commande. Tous les 3 reviendront au bateau les yeux chargés d’émotions de ces moments magiques qu’ils viennent de vivre.
Jérome
Comme pour tous les enfants de toutes les écoles qui vous suivent, j’avais envie de vivre vos aventures aquatiques.
Cette rencontre avec les baleines m’a aussi donné envie d’y aller. Je suis resté sur le pont pour filmer et pouvoir entendre les réactions et l’enthousiasme des apnéistes à la sortie de l’eau. Je suis très content pour vous.
Laurent
Face à face avec la baleine.
Ce haut lieu, théâtre de nos incroyables interactions avec les baleines cette année comme l’année dernière. L’échange au début, est timide. Sous l’eau, nous les apercevons de loin. Pudiques, elles repartent, puis reviennent un peu plus longtemps, pour peut-être assouvir leur curiosité ?
Au bout d’une heure d’une cour qui nous rapproche. Nous recherchons chacun à nous tenir de plus en plus proche. Elles manifestent leur joie en frappant fort la surface de l’eau avec leur pectorale, leur nageoire caudale, le bruit est assourdissant. Nous les entendons très bien souffler l’air par leur évent. Un son très grave au début qui fait vibrer tout mon corps puis un son plus aigu vers la fin.
Et puis, nous les voyons nager doucement sous nous entre 5 et 10 m. Nous les reconnaissons avec leur pectorale de blanc diffus. Je m’immerge à plusieurs reprises. A un moment donné la baleine descend doucement, tête vers le bas. Je la rejoins. Je suis face à elle, son ventre vers moi et ses deux pectorales sont le long de son corps. Nous glissons ensemble. Tout est calme, ses chants courts m’encouragent à la suivre. Nous nous regardons et descendons dans les abysses. Le temps s’arrête. Puis je la quitte, mes petites capacités m’y obligent. J’aurais tellement voulu l’accompagner encore un peu…
Pos 64°41′ S, 62°38′ W
Il neige abondamment, le vent est tombé, la mer sans ride est un vaste miroir dans lequel se reflètent les glaces dérivantes. Des otaries commencent à se mouvoir en de lentes ondulations sur la manchottière. Les manchots papous tels des soldats de plomb au garde à vous, restent imperturbables. Tout est étonnement calme, un étrange silence règne dans la baie. Des manchots juvéniles se mettent alors à piailler et réclament déjà la becquée. Les parents se mettent à l’eau pour marsouiner en quête de nourriture. Tout semble paisible, et pourtant la mort rôde. Lorsque le phoque léopard va quitter le morceau de glace sur lequel il sommeille, et se mettre à l’eau, gare aux manchots qui seront dans les parages. Ceci risquent d’être inscrits au menu du jour de ce terrible prédateur. Pour l’instant le léopard n’a pas encore quitté son glaçon, ni fait de victimes. Moment de répit pour la manchottière, mais la journée n’est pas terminée …
Joël
Position : 65° 04′ S 64° 05′ W
Depuis 2 jours, nous circulons dans le cimetière des icebergs ! C’est une baie qui emprisonne ces blocs de glace poussés par les courants de la péninsule Antarctique. Nos mots ne seront qu’un pâle reflet de l’exceptionnelle beauté de ce paysage, mais nous essayons quand même de vous transmettre ce que nous avons ressenti !
Imaginez-vous au milieu de centaines de sculptures de glaces de toutes formes, de toutes tailles, et de couleurs éclatantes … Tous ces icebergs flottent librement dans un enchevêtrement anarchique. Certains se touchent… Ajoutez à cela une luminosité cristalline qui reflète chacun d’eux dans le miroir d’une mer d’huile. Prenons encore un peu de recul et en levant les yeux, se découpe une falaise de roches et de glaciers multicolores. Certains sommets culminent à plus de 1000m de hauteur ! Toute l’équipe est sur le pont ! L’Ile d’Elle se faufile entre les blocs de glace, les contourne, et nous offre mille ombres et mille étincelles de toutes les facettes de ces cathédrales de glaces. Certains semblent sculptés à la main de l’homme tellement les coupes sont parfaites. Des alvéoles, des failles, des pics, des angles, des plateaux, tantôt lisses, tantôt rugueux; les formes et les textures sont à chaque fois différentes. Leurs flancs nous offrent des veines de glace aux infinies nuances de bleus profonds. Mais comment la nature arrive t-elle à produire de tels joyaux ? Certains iceberg biscornus forment des piscines dans leur centre, d’autres nous offrent des arches irréelles. Par transparence au travers de l’eau limpide, les formes plongent sous la surface et finissent par disparaitre dans un profond bleu turquoise. Petit clin d’œil à la « face cachée de l’iceberg » décrite par Laurent. Jean Yves se faufile entre 2 icebergs aux parois verticales plus hautes que le mat du bateau qui les frôle à quelques mètres de chaque coté. Le moment est magique. Le temps s’arrête. La lumière se reflète sur ces parois bleutées. Nous prenons tous conscience de l’exceptionnelle vision que nous offre ce lieu et que nous fixons ici en ce moment… Nous nous souviendrons encore longtemps de cet instant. Le décor est planté. Mais le spectacle ne s’arrête pas là ! Les nombreux petits glaçons qui dérivent tranquillement un peu partout sont autant de plateformes de repos pour les nombreux mammifères marins qui habitent ces lieux irréels. Nous longeons ces solariums improvisés et rencontrons tour à tour des otaries qui se dressent sur leurs nageoires à notre passage et nous montrent leurs longues moustaches, aussi curieuses que nous de ces visiteurs inhabituels. Plus loin ce sont des phoques crabiers qui paressent en groupe, insouciants de notre passage et ouvrent difficilement un œil à nos appareils photos. Notre œil maintenant aiguisé sait aussi reconnaitre la forme particulière des phoques léopard – seigneurs de ces eaux – qui se prélassent sur leur morceau de glace. Nous avons pu approcher des jeunes léopard mais aussi certains très gros spécimens qui peuvent largement dépasser les 3 mètres. Leur tête est extrêmement imposante. Quand parfois ils ouvrent largement la gueule, ils nous révèlent leur très impressionnante dentition ! Ajoutez à cela de nombreux groupes de manchots qui marsouinent ça et là, et vous avez un petit aperçu de l’incroyable richesse visuelle et émotionnelle que nous a procuré ce paysage féérique durant ces 2 derniers jours. Voilà notre brute émotion antarctique.
Tangui
Quelle est la température la plus basse que vous allez affronter ? Quels dangers pouvez-vous rencontrer ? Que mangez-vous pendant un mois ? Comment sont les paysages en profondeur ? Combien de temps pouvez-vous rester dans l’eau glacée ?
Les réponses à ces questions intéresseraient-elles que les enfants ? Pas si sûr !
Alors on partage avec vous les questions posées par les écoles qui suivent l’aventure de très près et les réponses de nos aventuriers.
Il n’y a pas d’âge pour sensibiliser les enfants au respect de l’environnement, aux valeurs sportives et à l’esprit d’aventure.
La preuve en dessins !
Avant de partir pour l’Antarctique, Laurent a rencontré les enfants de maternelle de l’école du Clos Herbert à Caen. A l’aide d’outils pédagogiques adaptés à ce jeune public (peluche représentant les animaux de l’Antarctique, map monde, film adapté…) il a pu leur présenter ce continent blanc, les animaux qui y vivent et l’immensité des paysages.
Suite à cette intervention, les enfants ont pu exercer leurs talents créatifs. Découvrez leurs créations.
Merci à la directrice de l’école (Christine), aux institutrices et à Emilie Simon qui a proposé et coordonné cette rencontre .
A Juliette, Gaspard et Antonin. Des gros bisous tout froid.
Hier, nous quittons Cuverville pour rejoindre Hovegaard avec la ferme intention de profiter du cimetière des icebergs avant la tombée de la nuit. Nous arrivons vers 17h. Au loin les sculptures de glace reposent en paix. La lumière douce de l’horizon les éclaire comme des diamants de glace translucide.
Sur certains des éclats, du bleu profond. Cette glace explose au grand jour sa couleur, sa lumière enfermée depuis des siècles. Elle est cerclée de doux flocons de neige éternelle.
Nos yeux absorbent cette beauté. Tangui, Jacques, Olivier et moi pensons à une seule chose, nous fondre dans l’eau.
Jean-Yves nous approche de cet iceberg. Au milieu, l’eau turquoise nous rappelle celle des lagons, à l’intérieur une piscine.
Nous glissons dans l’eau. Il y a du courant, nous palmons un peu plus fort pour atteindre notre objectif. Surprise, Olivier et moi observons de suite un tombant abrupte de glace. Plusieurs failles sont creusées dans cette imposante architecture.
Je me ventile, calme mon souffle, tente de relâcher tous mes muscles. Je suis prêt. Je prends ma dernière inspiration plus progressive, plus intense que les précédentes.
J’amorce mon canard, mes palmes s’immergent, je commence à palmer. Vers 7-8m, je suis déjà en flottabilité négative et je me laisse descendre calme le long de cette falaise de glace.
Je glisse, vertical, léger dans cet univers de bleu froid. Des petites bulles d’air remontent, l’érosion de l’eau de mer les libère de leur prison gelée. Elles s’évadent vers la surface comme des petits ballons lumineux chantant leur joie de liberté.
Ces petites bulles d’oxygène, si précieuses, si riches, à nos immersions glacées, alimentent nos cellules, nos muscles endoloris par le froid pénétrant jusqu’aux os.
J’évolue doucement vers le bas. Ce moment n’est pas long mais il est très intense. La combinaison s’écrase et je prends rapidement de la vitesse. Je fleurte avec l’iceberg, cette eau bleue m’ennivre. Je me freine, demi-tour, je ne veux pas finir 100m plus bas d’après les informations du sondeur… Il faut déjà palmer fort pour m’extirper de cette zone de flottabilité négative.
Puis face à cette falaise, je me prends pour un alpiniste sans piolet, je l’arpente. Pendant cette lente remontée, j’inspecte ces crevasses de glace, brutes, saillantes, ma main caresse ses douces parois. Je me demande comment la nature peut faire des choses aussi belles …
Je flotte vers la surface avec toutes ces bulles d’air comme du champagne. En surface, c’est une explosion de bonheur, je suis heureux !
Je saisi cet instant et je m’en imprègne par tous mes sens, il ne sera bientôt plus qu’un souvenir…
Hier enfant, je rêvais de « la face cachée de l’iceberg »…Que pouvait-il bien se cacher sous les 8/10 de ce monstre de glace ? Aujourd’hui grâce à l’apnée, je perce ce mystère enfantin !
Et ce rêve prend encore plus de valeur car il est partagé, avec mes amis, toutes les écoles qui nous suivent, les partenaires et tous les gens qui nous soutiennent et que nous ne connaissons pas !
C’est alors qu’un léopard timide serpente cet amas de glace, curieux de surprendre des apnéistes tenter de lui ressembler. Il observe cette scène de loin, son tempérament, certainement réservé ne le fera pas s’approcher plus prêt. C’est une rencontre très pudique, réciproquement respectueuse. Nous le laissons assouvir sa curiosité comme il nous laisse emprunter son glaçon. C’est peut-être cela l’harmonie ou l’osmose ?
Ces glissades vers le fond continuent, tour à tour. Tangui, Olivier et moi sommes immortalisés par la caméra de Jacques et quelques unes de mes photos. Le ballet des glaces, cette danse amicale d’immersions accompagnées par ses petites bulles qui chantent leur libération prochaine, nous remplit de joie.
Et je sais que la dimension que ces apnées procure, une pureté, une force jamais atteinte jusqu’à présent . Nous sommes venus vivre ces instants de rêves partagés et l’Antarctique nous les offre …
Laurent